Moissac, ville de Justes
Moissac, ville de Justes
Moissac. La cité uvale ne veut plus être une ville de Justes oubliée…
Publié le 28/04/2013
Tous (les Moissagais) ont participé au sauvetage de ces enfants. Certains de manière active et militante, d'autres en se taisant.»/ Photo DDM, archives
Après les diverses tables rondes d'hier, place à l'événement du week-end… Aujourd'hui, l'esplanade du Moulin va devenir officiellement «l'esplanade des Justes parmi les nations». L'objectif de cette cérémonie et du week-end dans son ensemble «c'est de faire comprendre, connaître et reconnaître le rôle majeur et collectif de Moissac dans le sauvetage des enfants juifs», indiquent, dans un communiqué, l'association «Moissac, ville de Justes oubliée», chargée de l'organisation de l'événement.
«La présence des enfants juifs n'était ignorée de personne»
En effet, durant la seconde guerre mondiale, la cité uvale a abrité environ six cents enfants juifs, venus des quatre coins de l'Europe. Ces derniers ont profité du soutien de la municipalité, de la solidarité moissagaise ainsi que de l'indulgence d'une partie des forces de l'ordre. Tous ont échappé aux rafles et à l'extermination, aucun n'a été arrêté. «Tous (les Moissagais) ont participé au sauvetage de ces enfants. Certains de manière active et militante, d'autres en se taisant, tout simplement. Car la présence des enfants juifs n'était ignorée de personne», retracent les organisateurs. Ils ajoutent que ces enfants «se promenaient, jouaient dehors, nageaient dans le Tarn et pratiquaient leur religion», pratiquement aux yeux de tous…
Le cas de cette maison d'enfants juifs, tenue par Boulli et Shatta Simon, est encore trop méconnu. Et si quatre personnes à Moissac ont été reconnues «Justes parmi les nations», selon l'association, «le rôle essentiel de l'ensemble de la ville et de ses environs n'a pas lui, reçu la reconnaissance méritée.»
Il ne reste plus qu'à espérer que ce week-end fasse avancer les choses et que ce magnifique épisode de l'histoire moissagaise trouve un jour la reconnaissance qu'il mérite.
Conférence avec Boris Cyrulnik et inauguration
Le neurologue Boris Cyrulnik, qui a développé le concept de résilience, présentera une conférence ce matin dès 9 heures, au cinéma Concorde. à 11 heures, place à la cérémonie de la déportation au monument aux morts puis à 11 h 30, «L'esplanade des Justes parmi les nations» sera inaugurée.
Guillaume Decourt
SHATTA ET BOULI SIMON
Sarolta (Charlotte) HIRSCH plus connues sous le nom de SHATTA, est née en 1910 à Sighisoara en Transylvanie.
Issue d'une famille très pieuse, elle fut militante de
l'Hachomer Hatzair, fondé par son frère Sigismond
dit DJIGO coordinateur du premier camp mondial du scoutisme juif en 1931.
En 1933, Sarolta quitta le Roumanie pour étudier la
médecine en France. Elle se rendit au siège des Eclaireurs Israélites de France (scouts juifs) fondé par Robert GAMZON et devint très vite une Cheftaine E.I. Elle y rencontrera Edouard SIMON. Elle ne fit pas ses études de médecine.
En 1940, Shatta eut la responsabilité des centres d'enfants E.I.
Après une vie dédiée au bien-être des enfants et au judaïsme, Shatta décède en 2003.
Edouard SIMON dit BOULI est né en 1905. Issu d'une famille aisée, il fut membre des scouts protestants " Les Unioniste " et rejoignit les Eclaireurs Israélites dès leur création. Il fut le bras droit de GAMZON, le fondateur de cette association. Bouli était commissaire national adjoint du mouvement et fut démobilisé suite à un grave accident de voiture en 1939. Il pu se consacré aux Eclaireurs.
En 1940, il fut nommé pour diriger les centres artisanaux et ruraux des E.I. Il était à l'écoute des enfants et était intransigeant sur les lits. Il a même eut droit à sa ritournelle " Y a qu'un ch'veu sur la tête à Bouli… ".
Edouard décède en 1993 après avoir consacré sa vie à la jeunesse et à la communauté E.I.
Il y a des histoires que l'on croit connaître mais il n'en est rien. Il y a des histoires qui ressemblent à d'autres, et qui se révèlent pourtant si singulières. Il y a enfin des histoires que l'on sait exceptionnelles mais sans commune mesure avec ce que l'on raconte. Parmi ces histoires, il y en a une, celle de l'incroyable épopée des enfants de la Maison de Moissac. Dans cette histoire-là, il est question de sauvetage d'enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Un sauvetage pas comme les autres.
Dimanche 3 septembre 1939. Lorsque la guerre éclate en France, une consigne : évacuer d'urgence les enfants des villes ! Un mouvement de jeunesse scout juif - les Eclaireurs Israélites de France (EI ou EIF), dirigé par Robert GAMZON - s'associe au mot d'ordre national pour prendre en charge ses propres adhérents.
Shatta cadre du mouvement est chargée de tout mettre en œuvre pour organiser au plus vite des maisons pour les enfants.
Shatta et Bouli dirigeront, dans le Tarn et Garonne, la maison qui deviendra la Maison d'Enfants de Moissac. Elle ouvrit ses portes le 5/12/1939.
Les chefs et cheftaines EI qui aideront Shatta et Bouli sont très jeunes, ils ont entre seize et vingt-cinq ans, et en dehors du scoutisme, rien ne les prépare à assurer l'encadrement pédagogique des enfants évacués. Ils sont tous bénévoles et se lancent dans l'aventure.
La progression des forces allemandes et la capitulation du gouvernement français jettent sur les routes des millions de réfugiés parmi lesquels de français mais aussi de nombreux juifs venus des pays frontaliers au nord de la France. Le plan d'évacuation des EI prend un nouveau tour. Des centaines de familles juives étrangères veulent éloigner leurs enfants des villes. Les enfants qui sont déjà dans la maison depuis quelques mois n'ont plus de nouvelles de leurs parents. Les nouveaux emmenés par les jeunes chefs EI ne sont plus des petits français, mais des enfants juifs étrangers, venus de milieux modestes , parlant mal le français ou ne le parlant pas du tout et ayant fuis les persécutions antisémites.
Entre le jour de la déclaration de la guerre et la débâcle de juin 1940, la Maison de Moissac, devient un point de ralliement communautaire, une adresse que l'on s'échange de bouche à oreille et un refuge où chaque jeunes juifs, scout ou pas, peut demander de l'aide. Lieu stratégique où se décidera désormais la politique des EIF, la Maison va également être le théâtre de la transformation d'un mouvement de jeunesse scout en un vaste réseau de résistance et de sauvetage d'enfants juifs.
Les chefs scouts
Mais derrière cette façade qui assure une existence légale au mouvement, déjà, un autre décor est planté.
La Résistance culturelle est en marche.
Au moment même où les lieux de cultes sont détruits, les livres brûlés, les juifs internés, déportés et massacrés, des chefs scouts d'un mouvement de jeunesse juif vont tenter, dans une petite ville du Tarn et Garonne, de construire une vie juive pour sauver des centaines d'enfants réfugiés.
Jusqu'à l'été 1942, les enfants vivent à Moissac, une période relativement clame. Mais les grandes rafles du Vél. D'Hiv de juillet 1942 brisent toutes les illusions. Août 1942, la police vient arrêter les enfants étrangers de la Maison. Gamzon, Shatta et Bouli savent désormais que leurs protégés sont en danger. Il faut maintenant cacher les enfants. Les Eclaireurs et directeurs de la Maison de Moissac s'organisent pour résister à l'occupant nazi et à la police française. D'abord, par des faits isolés. Puis à partir de janvier 1943, en entrant dans la clandestinité au sein d'un vaste réseau de résistance qui prend le nom de " sixième ". Le mouvement devient rapidement un acteur héroïque de la résistance juive.
1940-1941 Shatta et les petits
Entre 1939 et 1944, environ cinq cents enfants sont passés par la Maison de Moissac. Ils avaient entre deux et dix-huit ans. Certains y sont restés quelques jours, d'autres plusieurs années. Tous ont été sauvés. Tous ont échappés à la déportation - sauf un qui repris par ses parents, mourut avec eux dans les camps.
"Sauver les enfants", c'était bien sûr leur sauver la vie. Mais la force de Moissac fut de vouloir aussi leur sauver leur identité juive, leur histoire et leur culture.
Afin que chaque enfant survive, Shatta et son équipe ont créé à Moissac un refuge dont l'un des principaux piliers fut le judaïsme. Un judaïsme vrai et joyeux, fort et nouveau. Alors on chante, on prie, on danse, on fait des fêtes, on s'amuse, on apprend un métier, on participe à la vie de la Maison, on résiste ainsi à l'anéantissement de sa personnalité d'enfant juif.
Après la guerre, la Maison ne ferma pas ses portes, bien au contraire. Les enfants sortis des camps de concentrations y trouvèrent aide, refuge, protection et IDENTITE. Certain retrouvèrent une famille et d'autres non.
Bouli, Shatta et le groupe de la Maison de Moissac
Shatta et Bouli étaient toujours présents et à l'écoute des enfants et ce jusqu'au décès de Bouli en 1993. Shatta se retira, elle avait 83 ans.
Pour écrire cette petite histoire, j'ai utilisé l'Introduction du livre MORTS OU JUIFS La Maison de Moissac 1939-1945, publié par les éditions Flammarion et écrit par Catherine LEWERTOWSKI.
Je remercie Mme LEWERTOWSKI pour m'avoir permis d'utiliser l'introduction de son livre.
Les photos accompagnant le texte sont toutes de collection privée. Je remercie toutes les personnes qui me les ont transmises. Vous en trouverez d'autres dans le livre de Catherine LEWERTOWSKI,
Livre dont je vous conseille la lecture, j'en ai apprécié le contenu, j'espère que comme moi, vous aurez plaisir à le lire.
Claudine GODCHAUX
page tirée du site créé par Fabien et Claudine Godchaux "ma famille dans l'histoire" http://www.premiumorange.com/godchaux.f.e./
Le 9 mai 2004, une place BOULI et SHATTA SIMON fut inaugurée à Moissac. Ce jour là, étaient présents, Jean-Claude et Ariel les enfants de Shatta et Bouli, de nombreux anciens de la Maison de Moissac et des groupes d'EI. Le Journal " La Dépêche de Midi " du 10 mai 2004 consacrera un article sur l'évènement.
" Il y a des histoires que l'on croit connaître mais il n'en est rien. Il y a des histoires qui ressemblent à d'autres, et qui se révèlent pourtant si singulières. Il y a enfin des histoires que l'on sait exceptionnelles mais sans commune mesure avec ce que l'on raconte. Parmi ces histoires, il y en a une, celle de l'incroyable épopée des enfants de la Maison de Moissac. "
29 avril 2013
Journal de Boningal